Mardi - 19 Mars 2024

Christophe Gay / « Entre XIII… et 15 » à Lanta


Quand il était gamin, cet homme avait pour habitude d’être souvent fourré dans les cuisines de Josette l’Occitane et de Pierrette la Méditerranéenne. Là, il avait le bonheur de voir ses grands-mères préparer de goûteux confits, cassoulets, milhas, ou encore poissons, polenta et autres couscous dont toute la famille se régalait…

De cet heureux métissage de saveurs est née une passion qui le mènera tout droit au métier de cuisinier. C’est dans la Cité des Gaules, terre hostile pour un enfant de Fanjeaux, que Christophe Gay fera son apprentissage, avant de rejoindre son pays pour y exercer ses talents de Chef. Et puisque quand on est du Lauragais on ne peut pas être indifférent au Rugby, que celui-ci se joue à XIII ou à 15, c’est une autre passion qui habite le cuisinier depuis bien longtemps… une passion ovale, qu’il vivra d’abord comme joueur, à XIII et à 15, et puis comme entraîneur, ses deux fils aînés étant en âge de chausser à leur tour les crampons. Cuisine & Rugby… c’est de ce cocktail détonnant et après avoir fait face à de dures épreuves de la vie que le gamin de l’Aude s’est installé à Lanta, en région toulousaine, pour donner naissance à « Entre XIII… et 15 »… Merci Christophe !

 

Salut Christophe… Dis-moi, puisque dans ta carrière de rugbyman, tu as pratiqué à la fois le Rugby à XIII et le Rugby à XV… finalement, sur le terrain, qu’est-ce qu’ils t’ont appris de particulier, ces deux jeux de Rugby?

Même si on a l’impression que c’est avant tout un sport de collision et de fixation, le XIII m’a énormément appris sur le déplacement du jeu, que ce soit en position offensive, parce que les courses sont très importantes, ou en position défensive, parce qu’on est toujours en replacement. Le XV, lui, m’a plus apporté le côté stratégie : comment occuper au mieux le terrain dans un espace rendu plus restreint par un plus grand nombre de joueurs, et comment essayer d’aller les chercher et les créer, ces espaces…

Et mis ensemble, ils t’ont appris quoi, surtout ?

Aussi bien le XIII que le XV m’ont appris la nécessité de l’engagement et du combat, la volonté de défendre, de plaquer, d’avancer, de comprendre qu’on n’est pas seul sur le pré et qu’on fait partie d’une équipe pour laquelle il faut se surpasser, notamment physiquement… tout ce qui fait le jeu de Rugby quoi !

Donc, ce n’est pas étonnant si l’affaire que tu viens de créer il y a peu à Lanta, tu l’as appelée « Entre XIII… et 15 »… ?

Non, ce n’est pas très étonnant… pour moi c’était même une évidence !

 

 

« Entre XIII… et 15 » mis à l’honneur dans La Voix du Midi du 19/09/2019 – Édition du Lauragais – Crédit : L.P. – Voix du Midi Lauragais – Actu.fr

 

Blason de Fanjeaux

 

Tu as commencé par le XIII ou par le XV ?

Par le XIII… à Limoux.

Pourquoi à Limoux ?

Parce que c’est là-bas que Norbert, un pote d’enfance, m’a embarqué quand j’avais à peine huit ans…

C’est donc dans l’Aude que tu as poussé ?

Oui, je suis Audois, j’ai grandi à Fanjeaux, un village du Lauragais situé à 7 kilomètres de Bram, entre Castelnaudary, où je suis né, et Carcassonne.

 


Fanjeaux, Aude (11)


 

Et ceux qui t’ont précédé, eux aussi ils étaient Audois ?

Du côté maternel, ma famille est d’origine pied-noir et du côté paternel, c’est du 100% Audois… Le berceau originel se situe à Salles-sur-l’Hèrs, un petit village de la pointe occidentale de l’Aude. Mes grands-parents y tenaient un café-restaurant et c’est là que mes parents se sont connus.

Ça jouait au rugby dans ta famille quand tu débarques sur la planète ?

Non, pas vraiment! On ne parlait pas particulièrement de sport chez moi. Mon père avait joué au foot et je me destinais sans doute moi aussi à aller un jour ou l’autre tâter du ballon rond à l’E.S. Fanjeaux, qui proposait alors l’activité la plus usuelle pour les gamins du village, et surtout la plus pratique pour leurs parents…

Le Rugby ne faisait donc pas partie du plan initial ?

Non pas vraiment, parce que pour le Rugby, il fallait aller à Bram, ou à Limoux, ou à Castelnaudary, et c’était donc un peu plus compliqué d’un point de vue logistique. Et puis Norbert est arrivé, il m’a convaincu, j’ai convaincu mes parents, et comme il s’inscrivait à Limoux et que ses parents se chargeaient de nous véhiculer, c’est là-bas que je suis entré en Ovalie…

Et jusqu’à ce moment fondateur, ça représentait quoi pour toi, le Rugby ?

Le Rugby, bien sûr, j’en avais entendu parlé, l’Aude est un haut lieu du ballon ovale. Et puis du côté de ma grand-mère paternelle, nous sommes des cousins éloignés de la famille Spanghero, dont la ferme familiale se trouve à Bram, et on les voyait de temps en temps. Je me souviens du rituel que mes grands-parents avaient instauré dans leur bistrot à l’occasion des matchs de l’Équipe de France… Famille et habitués, on était tous devant le poste de télé en noir et blanc, et le gamin que j’étais alors participait volontiers au spectacle. Mais c’est vrai qu’à l’époque, j’étais dans un environnement dans lequel on parlait plus du XV que du XIII.

Pourtant, c’est par le XIII que tu vas commencer…

Oui, grâce à Norbert, toujours lui, et parce qu’à Limoux, c’est le XIII qui est prépondérant.

Ça t’a plu tout de suite ?

J’ai très vite été emballé par l’esprit de ce sport et ses valeurs d’ouverture aux autres, de partage, de solidarité et d’entraide… Autant de valeurs que j’ai toujours essayé de faire miennes dans mon apprentissage de la vie et de mon métier. Moi qui par nature étais un garçon plutôt introverti avec un physique plutôt frêle, la pratique du Rugby m’a beaucoup aidé. Le XIII proposant un jeu assez rugueux, j’ai vite appris ce qu’était le dépassement de soi pour pouvoir le pratiquer !

Et finalement, tu vas jouer longtemps à Limoux ?

Jusqu’à la fin de mes années collège, car je pars ensuite pour Lyon, à l’école hôtelière. Je n’ai pas encore 16 ans et je quitte mon Aude natale pour intégrer l’Institut Vatel.

A quel poste as-tu été formé, et quel est l’un de tes souvenirs forts de ton passage au XIII Limouxin ?

J’ai été formé au poste de demi-de-mêlée… de toute façon, compte tenu de mon gabarit, je ne pouvais pas jouer devant ! Et puis, comme j’étais assez adroit et que sur le terrain ma voix portait bien pour rameuter les copains, ce poste m’allait comme un gant. De cette lointaine époque limouxine, je garde un souvenir particulier d’un de mes entraîneurs, Jean-Louis, qui au-delà du Rugby, m’a aidé à trouver mon chemin au temps difficile de l’adolescence. J’ai toujours gardé un lien avec lui dans la suite de mon parcours.

 

Christophe… fruit du métissage entre cassoulet…

Le gamin que tu es à l’époque quitte donc le berceau audois pour aller apprendre la cuisine dans la capitale de la gastronomie française… Pourquoi décides-tu de t’engager dans cette voie ?

Le choix de la cuisine, c’est très certainement par référence à mes origines familiales et à l’univers qui a été le mien gamin, avec d’un côté des grands-parents qui tenaient un café-restaurant, et de l’autre des grands-parents qui étaient primeurs… J’ai donc toujours baigné dans une atmosphère où la cuisine et les bons produits étaient mis à l’honneur. J’étais souvent fourré près des fourneaux de mes grands-mères, dans un doux mélange de cuisine audoise à base de confits, de cassoulet bien sûr, de milhas (un plat d’hiver traditionnel à base de farine de maïs qui se cuisait longtemps au chaudron dans la cheminée et qui demandait beaucoup d’attention, aussi bien des femmes que des hommes qui participaient aussi à la préparation) et de cuisine pied-noir à base de poissons, de couscous, de légumes, de polenta, de fritas et de mille saveurs méditerranéennes. Grâce à ça, j’ai eu la chance de grandir dans une double culture culinaire.

La cuisine a donc rapidement été un terrain de jeu et un centre d’intérêt pour toi ?

Oui, la cuisine ça me plaisait et je m’y intéressais beaucoup, mais pourtant, quand je pars à Lyon, ce n’est pas forcément pour en faire mon métier par la suite…

… et couscous !

Pourquoi ?

Parce qu’en fait mon entourage familial a plutôt essayé de me décourager de m’engager dans cette voie, à cause de la dureté et des nombreuses contraintes liées à ce métier. Mon père était percepteur, et il aurait nettement préféré que je me dirige vers le Trésor Public plutôt que la cuisine ! Pour lui, comme pour beaucoup de parents soucieux de l’avenir de leurs enfants, c’est la sécurité de l’emploi qui primait. Alors moi, forcément, dans tout ça, j’étais un peu coincé entre la passion et la raison…

 

Tu quittes donc jeune ton berceau audois pour une terre inconnue… ça t’a été difficile ?

Oui, je dois bien l’avouer, c’est très dur les premiers temps, même si j’ai la chance de ne pas me retrouver complètement seul, puisque je suis hébergé chez une de mes tantes, Geneviève, qui m’aide à passer ce cap… À l’époque, je sors d’un petit village audois de 800 habitants, et je me retrouve dans cette grande ville, loin de mes bases, dans un contexte urbain qui m’est complètement étranger et surtout surdimensionné par rapport à celui que j’avais connu jusque-là.

Te rappelles-tu d’un fait marquant à ton arrivée dans ce monde extra-terrestre ?

Ah ça ! J’ai une anecdote savoureuse au sujet de mes grands débuts dans la cité lyonnaise, un truc qui m’a marqué et que j’ai déjà raconté mille fois dans ma vie depuis : La première fois que je prends le métro, je portais un grand sac sur l’épaule et au moment d’entrer dans la rame, j’entends sonner, signal de la fermeture imminente des portes…

Et ?

Et ben… vlan ! La porte se referme effectivement, en me prenant de vitesse, et mon sac tombe ! Résultat, je n’ai pas le temps de monter dans la rame et je reste sur le quai…

Et ton sac ?

Il est tombé du mauvais côté et il se barre avec la rame de métro ! Je te laisse imaginer le désarroi total dans lequel ça me met… Sur le quai, un contrôleur qui passait par là me rassure comme il peut : « T’inquiète pas, ton sac tu le retrouveras au terminus… ». Moi, le petit gars de l’Aude qui débarquait dans ce milieu hostile… j’étais au bout de ma vie ! Quand j’arrive au terminus, je tombe sur trois contrôleurs. L’un d’eux me demande ma carte d’identité et après avoir jeté un coup d’œil dessus me dit :
– Alors petit, tu es Audois ?…
– Ben… oui…

Le métro lyonnais… des débuts difficiles pour Christophe !

Il était d’où, lui ?

De Carcassonne ! Après les longues minutes de stress que je venais de vivre, tu ne peux pas imaginer quel bonheur énorme ce fut pour moi que de retrouver d’un seul coup à la fois un compatriote, un peu de compassion, un peu de mon Aude natale et, surtout… mon sac !

 

 

Bon… après cette entrée fracassante dans le métro lyonnais, ça se passe comment pour toi la vie, dans la Cité des Gaules ?

Bon gré, mal gré, je fais face à ma nouvelle vie dans ce nouvel environnement. J’intègre donc l’Institut Vatel et je commence mon apprentissage de la cuisine.

Et le Rugby ? Est-il alors toujours à l’ordre du jour ?

Oui, mais beaucoup moins intensément. Je continue à jouer un peu, mais uniquement dans le cadre scolaire, qui est très prenant et ne me laisse guère le temps de jouer en club. Le Rugby reste important pour moi, mais je ne peux pas en faire une priorité… je suis trop loin de mes bases natales d’un point de vue affectif et logistique et, surtout, je découvre les contraintes horaires liées à la cuisine.

 

Finalement, dès que tu peux, tu retournes dans l’Aude…

Exact ! En troisième année d’école, je pars effectuer mon stage longue durée à Ornaisons, près de Narbonne, au Relais du Val d’Orbieu (du nom de la rivière qui passe dans le coin). Et en rencontrant les jeunes du coin au bar du village après mon service, je ne tarde pas à reprendre une licence de Rugby.

 

Tu vas jouer où ?

D’abord à l’U.S. Ornaisons XIII, le club local, avant de rejoindre quelques temps plus tard le FC Lézignan XIII… Ornaisons n’est qu’à 8 kilomètres de Lézignan-Corbières, et ce pays est un fief du Rugby à XIII.

Et une fois ton stage terminé, tu retournes à Lyon ?

Non… Je me sens trop bien dans ma région d’origine, et je décide d’arrêter l’école juste avant de passer l’examen final ! Je continue à travailler au Relais du Val d’Orbieu, dirigé alors par Monsieur Gonzalvez, et dont le Chef en cuisine était Richard Toix.

Dès le départ tu as donc eu la chance de côtoyer de grosses pointures de la cuisine ?

Oui, Richard Toix sera par la suite Chef étoilé Michelin, et il a été mon tout premier mentor. J’ai bien sûr beaucoup appris au sein de la brigade qu’il dirigeait au Relais du Val d’Orbieu. J’ai travaillé pendant deux ans à ses côtés avant qu’il ne parte pour d’autres horizons et qu’il ne soit remplacé par Jean-Pierre Robert, une « pointure » lui aussi, déjà étoilé à l’époque et qui était passé, entre autres par le Negresco à Nice, le Palm Beach à Cannes, le Coq d’Or à Londres etc… Il était en fin de carrière et lui aussi m’a énormément appris. C’est vrai que j’ai eu de la chance de commencer ma carrière sous les ordres de ces deux grands Chefs… ils m’ont mis sur de bons rails !

Mais le Rugby alors, tu as pu continuer à y jouer sereinement en plus de ton boulot ?

Pas vraiment en réalité, en tout cas pas toujours de façon assidue. À Lézignan, j’ai assez rapidement de plus en plus de mal à suivre les entraînements à cause de mon travail. Même si Jean-Pierre Robert, mon chef, essaie de faire ce qu’il peut pour m’arranger afin que je puisse continuer à jouer à ce niveau, le boulot finit par être trop chronophage. Je décide alors d’aller jouer un peu plus tranquillement à Olonzac, un village de l’Hérault voisin. Et cette fois, pour la première fois de ma vie, je joue à XV !

Tu vas y jouer longtemps à Olonzac ?

Je ferai une saison et un peu plus, mais je vais devoir assez rapidement m’arrêter à cause des blessures qui s’enchainent et d’un rythme très soutenu au boulot. Au bout d’un moment mon corps ne répond plus et au cours d’un même match, qui sera mon dernier sous le maillot d’Olonzac, je me démets trois fois l’épaule.

 

Christophe dans ses cuisines à Lanta

Ça a été difficile pour toi, d’arrêter de jouer au Rugby à ce moment-là ?

Ça a été très difficile, et c’est pour ça que j’ai pris le parti de tirer un trait dessus du jour au lendemain. A tel point que je ne pouvais même plus aller voir jouer mes potes, ni même faire un après-match avec eux. Cette coupure nette m’a plongé encore plus complètement dans mon travail, dans lequel je me suis investi totalement. Mes efforts ont été récompensés puisqu’à mon tour je suis devenu Chef au Relais du Val d’Orbieu lorsque Jean-Pierre Robert en est parti. A l’époque, notre établissement avait la note de 16 sur 20 au Gault & Millau (ndlr : en ce temps-là les enquêteurs Gault & Millau attribuaient des notes, depuis 2010 ils attribuent un nombre de toques, de 0 à 5), c’était donc un sacré challenge pour moi que d’être à la barre d’un restaurant gastronomique.

 

Un restaurant gastronomique, ça implique quelles contraintes au niveau de la cuisine ?

Outre la qualité des plats réalisés, un établissement de ce type t’oblige à savoir composer avec les saisons et à proposer des produits frais. On avait pour ça un sacré atout, car les produits provenaient en très grande partie du propre jardin du restaurant. Ça nous permettait de travailler de très bons produits, dont on connaissait parfaitement la provenance, et ce fut pour moi une très belle et goûteuse expérience en cuisine.

 

Donc pour toi, à cette époque, fini le Rugby… et cuisine à fond ! C’était ça ta vie ?

D’un côté je perdais le bonheur de jouer au rugby, mais de l’autre je gagnais quelques lettres de noblesse en cuisine… je trouvais finalement un nouvel équilibre dans ma vie et je faisais avec. Et puis je deviens papa de Jonathan, mon premier fils, avec lequel je me retrouve seul dans des circonstances tragiques, alors qu’il n’a que quelques mois. Alors bien sûr, du jour au lendemain la vie est devenue beaucoup plus compliquée, et je me suis installé près du village normand de ses grands-parents maternels, qui se sont énormément occupés de lui. Côté boulot, je vais travailler comme Chef de Cuisine à la « P’tite Auberge » à Lillebonne, une bourgade située entre Le Havre et Rouen.

Et le Rugby revient quand même à la charge pendant ton séjour en Normandie…

Oui, je ne peux pas m’empêcher d’aller un peu tâter du ballon à Notre-Dame-de-Gravenchon, qui était le club de rugby le plus proche de Lillebonne. Gravenchon étant une cité pétrolifère attirant des personnes de toute la France, je fais la connaissance là-bas de pas mal de gars du sud, rugbymen pour certains. Je fais quelques matchs, soit à l’ouverture, soit à l’arrière. Le boulot est toujours beaucoup trop prenant pour que je puisse m’investir totalement dans le club, mais le lien qui me lie au Rugby est toujours bien présent.

 

Tu t’installes définitivement en Normandie ?

Après trois années passées là-haut, j’ai eu envie de retrouver le Sud et son soleil. Je pars pour Aix-en-Provence, que je ne connais pas du tout et que j’ai plaisir à découvrir. Je rejoins les cuisines du restaurant gastronomique du Mas d’Entremont, un hôtel de luxe situé sur les hauteurs de la ville. Quelques années plus tard, je pars travailler au Logis Hôtel le Mas et la Flambée du Lubéron à Venelles, où j’obtiens en 2005 le titre de Meilleur Chef Logis de France avec deux autres lauréats, Thierry Baldinger et Yves Sentou.

Christophe mis à l’honneur dans l’hebdomadaire « L’Hôtellerie Restauration » du 15/12/2005

 

Te voilà donc installé en Pays d’Aix, où au bout de quelques années, le Rugby va recroiser ta route…

Je m’installe à Aix-en-Provence et avec l’arrivée de Mathias, je deviens papa pour la seconde fois, avant que quelques années plus tard, Corentin et Lucile viennent compléter la famille.
Lorsque mes deux aînés sont en âge faire leurs premiers pas sur un terrain de sport, je les amène assez naturellement à l’école de Rugby de l’ARC (Aix Rugby Club), qui quelques années plus tard, en 2001, deviendra le PARC (Pays d’Aix Rugby Club). Et il m’arrive alors ce qui arrive à pas mal de « papas rugby » qui amènent leurs gamins au stade… Je me fais embringuer et me retrouve assez rapidement faire partie des éducateurs du club. Je rejoignais ainsi l’équipe de Philippe Renisio, alors Président de l’école de Rugby de l’ARC, aux côtés, entre autres, de Julien Gibert, Audois lui aussi et demi d’ouverture Aixois à l’époque. Grâce à mes garçons, je renoue donc avec le Rugby et je me retrouve à nouveau sur le pré. Quelques années plus tard, j’aurai encore la fierté de les entraîner tous les deux en Cadets à Pertuis, où nous étions licenciés tous les trois après avoir déménagé à Lauris, dans le Sud Vaucluse.

Clin d’œil à Mathias…

Tes garçons vont-ils accrocher avec le Rugby ?

Oui, ils vont tous les deux continuer à jouer. Jonathan jouera à Pertuis, puis en Juniors à Marseille Vitrolles (le club dans lequel Jonah Lomu avait fait une saison en 2010) et à Salon, avant de refaire quelques saisons à Pertuis au poste de n°10. Quant à Mathias, après avoir fait ses classes Jeunes à Pertuis, il ira jouer au PARC, puis partira jouer en Fédérale 1 à Graulhet, aux postes de centre, d’ailier ou d’arrière. Il joue toujours actuellement, à Léguevin, un club de Fédérale 3 de la banlieue toulousaine.

 

Coach Christophe…

C’est donc en tant qu’entraîneur que tu vas continuer à vivre ton Rugby ?

Oui, j’ai entraîné les Cadets, les Juniors et également quelque temps les Seniors de Pertuis… J’y serai même arbitre pendant deux ans. J’ai rencontré là-bas plusieurs personnages avec lesquels je vais nouer des affinités particulières, dont entre autres Lionel Lagrange. Quelques années plus tard, en 2011, alors qu’il a rejoint Philippe Laborde et Georges Gardiol dans le staff de l’AUC Rugby (Aix Université Club Rugby) dont les « chiens poubelle », menés par Stéphane Laffet, venaient de faire un magnifique parcours en Championnat de France Honneur, Lionel m’appelle et me propose de le rejoindre pour venir filer un coup de main au club. Alors que je traversais à l’époque une période très difficile à cause d’un ennui de santé qui aura un impact déterminant sur la suite de ma carrière professionnelle, il m’a surtout tendu la main… le Rugby est une grande famille.

Alors tu y vas ?

Bien sûr que j’y vais ! Après une première année comme dirigeant accompagnateur et observateur, je décide de m’engager comme entraîneur de la Réserve en compagnie d’Hervé Graulier d’abord, puis de Fabrice Guerrero et d’Adrien Berrier la saison suivante, quand Hervé prendra les manettes de la Une.

… à l’Aix Université Club Rugby (AUC)

 

C’est quoi ton plus beau souvenir de coach à l’AUC ?

Un coach heureux à l’AUC…

J’en ai plein bien sûr, je garde tellement de magnifiques souvenirs de mes cinq années passées à l’AUC, où j’ai fait de belles rencontres, dans une ambiance festive continuellement guidée par le jeu, le chant, l’entraide et la solidarité. Mais la plus belle aventure que je garde comme entraîneur là-bas, c’est celle vécue avec les « Bélascain » pendant mes deux dernières saisons, aux côtés de Lionel Lagrange, et avant que je ne quitte Aix-en-Provence. On avait un joli groupe, on a bien vécu ensemble, avec énormément de plaisir sur et en dehors du terrain… On s’est régalé ! Ça a été pour moi un grand bonheur de coacher cette catégorie d’âge particulière, où tu accompagnes des gamins qui sont en train de devenir des hommes. Sur le pré, on fera une finale du Comité de Provence, certes perdue contre Nîmes, mais qui nous a permis d’aller disputer les phases finales du Championnat de France.

 

Christophe (à droite) à la tête des Bélascain de l’AUC Rugby avec son compère Lionel Lagrange (à gauche)… pour une belle aventure !

 

Quand tu quittes Aix-en-Provence en 2015… tu vas où ?

Je rejoins Toulouse, où je travaille à l’ouverture et au lancement de deux restaurants chez deux patrons différents, et puis, après une nouvelle épreuve de la vie difficile à surmonter, je prends la décision de monter ma propre affaire… Je m’installe à Lanta, un village situé à une vingtaine de kilomètres à l’est de Toulouse. Et en août 2019, je crée donc… « Entre XIII… et 15 ».

 

C’est quoi, c’est comment « Entre XIII… et 15 » ?

C’est un bar-restaurant ! Côté restaurant, j’offre une cuisine traditionnelle et régionale. Nous proposons un concept d’ardoise très simple basé sur un menu à 16 € à composer avec 3 entrées, 3 plats et 3 desserts au choix et qui changent tous les jours. On est donc vraiment dans un travail permanent de renouvellement de produits de saison.
Ma clientèle est composée à la fois de personnes qui travaillent à Lanta et de personnes du village et des villages alentours. Mon restaurant a tout de suite bien marché et on était complet tous les midis avant que ne survienne cette foutue crise sanitaire du Covid et le premier confinement en mars dernier. Quant au bar on est arrivé à créer une belle ambiance à partir du jeudi soir et tout au long du week-end, à travers des animations musicales et des concerts, car je tiens vraiment à ce que mon établissement, situé au cœur du village, soit un lieu de vie et de convivialité pour les habitants de Lanta et des environs.
« Entre XIII… et 15 » est aussi rapidement devenu un lieu de réunion pour les sportifs du coin, où se côtoient des rugbymen, des footballers, des basketteurs… Mes deux derniers enfants, Corentin et Lucile, jouent tous les deux au basket, Corentin à Verfeil, et Lucile à Quint Fonsegrives, deux villages voisins de Lanta.
Maintenant, comme tous mes collègues de France et de Navarre, j’attends avec plus qu’impatience la levée des restrictions liées au Covid. On survit à travers les aides de l’État et des quelques ventes à emporter qu’on arrive à faire, mais là il faut rapidement qu’on revienne à une situation normale, car là il y a réellement danger pour toute notre profession.

« Entre XIII… et 15 »… Un lieu de convivialité créé par Christophe

 

Il y a du Rugby à Lanta ?

Il n’y a pas de club de Rugby à Lanta, mais je me suis rapproché de Caraman, un village voisin, où la JSC (Jeunesse Sportive Caramanaise) évolue en 2ème série. Je vais leur donner un coup de main pour tout ce qui concerne le jeu au pied et les buteurs.

C’est un club sympa, Caraman ?

Oui, ils sont top ! Le club est co-présidé par deux jeunes joueurs, Clément Cassan et Florian Thuries, et l’ambiance est très festive. En fin de saison dernière, on a fait venir l’équipe de Gardanne, coachée par Lionel Lagrange et Adrien Berrier, mes anciens compères de l’AUC… Je pense que tout le monde, Caramanais et Gardannais, gardent un excellent souvenir de cette initiative !
Comme je suis énormément pris par mon boulot (quand le Covid ne m’empêche pas de travailler et que le Rugby fonctionne !), j’interviens au club avec des sessions courtes et très ciblées, et je suis vraiment impressionné par l’écoute des gars et leur réelle envie de bien faire. Autant nous partageons le moment festif des troisième mi-temps, autant nous partageons une réelle volonté de progresser tous ensemble sur le terrain de jeu. Je trouve ça assez remarquable pour un club de 2ème série. D’ailleurs on a fait un super bon début de saison en restant invaincus, jusqu’à ce que le Covid oblige à nouveau à l’arrêt des matchs.

 

Blason de Lanta

Et Lanta, tu t’y es fait ?

Depuis que je suis installé à Lanta, commune de 2200 habitants où tout le monde ou presque se connaît, une relation de sympathie assez extraordinaire s’est créée entre moi et le village, dont je suis tombé sous le charme. Grâce à mon activité, je rencontre bien sûr énormément de personnes, en particulier du monde associatif local, ce qui me permet d’être à l’écoute des problèmes et des besoins des uns et des autres.

Du coup tu as répondu présent à la sollicitation qui t’a été faite de t’investir pour le village…

Oui, et ça s’est fait assez naturellement ! Je suis fraîchement élu municipal et cinquième adjoint au maire, Marc Mengaud, ancien deuxième ligne à Mazamet et qui dirige la municipalité depuis plus de 30 ans. Quand Marc est venu me proposer de faire partie de son équipe à l’occasion des dernières élections, je lui ai rapidement donné mon accord. J’ai principalement en charge le développement associatif de la commune, mais les 19 conseillers municipaux que nous sommes sont tous relativement polyvalents. Un des gros projets qui nous mobilisent particulièrement en ce moment est l’implantation d’une pelouse synthétique sur le stade. Nous travaillons également à la création d’une association fédérant commerçants, artisans et agriculteurs du coin, et sur beaucoup d’autres projets bien sûr, étant entendu que le contexte du Covid ne facilite pas la tâche ces derniers temps.

Qu’est-ce qui te motive le plus dans cette aventure ?

Un engagement dans une équipe municipale est une grande première pour moi. Au-delà de la dimension politique de la fonction, qui à vrai dire ne m’intéresse pas, c’est humainement parlant que je souhaite orienter et bonifier cette expérience : préserver et entretenir l’esprit du village, le dialogue, la volonté du monde associatif de vouloir faire avancer les choses…

Christophe (à gauche) en compagnie d’une partie des nouveaux élus municipaux et du Maire de Lanta, Marc Mengaud (2ème à gauche) – La Voix du Midi du 10/03/2020 – Crédit : Paul Halbedel – Voix du Midi Lauragais – Actu.fr

 

Fête de la soupe… un rendez-vous annuel de convivialité

Puisqu’on parle de Lanta… qu’y-a-t-il de particulier ici ?

Lanta est composée de plusieurs hameaux, ce qui donne la caractéristique au village d’avoir trois belles églises, et nous avons pour projet de créer des circuits de randonnées qui relient les trois points de ce patrimoine.
Si tu nous rends visite en novembre, tu pourras participer à la Fête de la Soupe, qui réunit chaque année à Lanta des compétiteurs venus d’un peu partout avec leur matériel et leurs ingrédients pour exercer leurs talents culinaires dans le but de décrocher la très convoitée Louche d’Or. Chacun passe dans les stands avec son bol pour goûter les soupes, et c’est bien entendu un moment d’une extrême convivialité.
Et puis nous organisons également tous les ans au printemps le Festival de la BD Jeunesse… un évènement extraordinaire organisé par l’association Lantabulles, présidé par le très dévoué Sylvain Quertan et toute son équipe. Chaque édition est l’occasion d’accueillir une vingtaine d’auteurs et de dessinateurs de renommée, et permet de créer des espaces d’échanges entre les auteurs et le public, mais également entre les auteurs eux-mêmes. C’est une manifestation qui amène énormément de monde dans notre village. Pour raison de crise sanitaire, l’édition 2020 n’a pu avoir lieu et a été reportée à avril prochain… nous espérons bien sûr tous qu’elle pourra se tenir et que tout ça reprenne vie !
Et puisque finalement c’est le Rugby qui nous réunit ici, j’aimerais profiter de l’évocation de Lanta pour adresser un clin d’œil à Julien Turini, natif d’ici et ancien joueur professionnel passé entre autres par Toulouse, Agen, Colomiers, Bordeaux et Aix-en-Provence au poste de pilier. Julien est aujourd’hui à la tête des Cuisines Turini, un groupe familial toulousain fondé au début des années 90 par son père, Bernard Turini.


Lanta, Haute-Garonne (31)


 

Pour en finir sur la question du Rugby dans cet entretien… il t’a aidé dans ton métier de Chef en cuisine ?

Christophe (à droite) avec son pote Lionel Lagrange… en pleine préparation de 3ème mi-temps des Bélascain de l’AUC

Le Rugby m’a beaucoup appris dans ma relation aux autres, alors forcément il m’a été utile dans mon boulot. Je me souviens de mes tous débuts en tant que Chef, à l’époque où j’étais encore un jeune con qui pensait qu’il n’y avait qu’en gueulant et en étant dur avec les autres qu’on pouvait se faire obéir dans une cuisine. Ce n’était bien sûr pas la bonne solution. Alors j’ai essayé de mettre en pratique dans les cuisines que j’ai dirigées ce que j’ai vécu sur les terrains de rugby, où on a tous besoin les uns des autres. Ça m’a permis de m’assouplir dans ma relation aux autres, et d’obtenir le meilleur de mes brigades. Si toi et moi sommes convaincus que l’esprit du Rugby, valorisant la solidarité au sein d’une équipe, est bénéfique dans tout projet communautaire… je peux t’assurer que c’est particulièrement vrai en Cuisine !

Aller de l’avant… toujours… quoiqu’il arrive !

Le Rugby m’a aidé à me construire, il m’a appris à être à l’écoute des autres, parce que c’est un sport qui se vit en groupe. Il m’a donné la capacité de comprendre et d’accepter les qualités et les défauts de chacun… des défauts, nous en avons tous ! Il m’a appris à supporter le mal aussi, bien sûr, parce que c’est avant tout un sport de contact, dans lequel le corps est souvent amené à souffrir.
Et le mal, justement, je peux dire que je le connais bien, malheureusement, car il y a déjà quelques années une spondylarthrite ankylosante a brouillé les cartes de mon avenir professionnel et m’a obligé à arrêter d’exercer mon activité de Chef Cuisinier. Et c’est à ce moment-là, alors que j’étais au fond du trou, que le Rugby, par l’intermédiaire de Lionel Lagrange, m’a tendu la main pour me redonner du goût à la vie et à la société. Ça a été pour moi un formidable déclic qui, malgré la maladie et les épreuves que j’ai eu à surmonter, m’a redonné la confiance et la volonté de rebondir afin d’aller de l’avant… toujours… quoiqu’il arrive !

 

Joueur de Rugby, cuisinier, chef de cuisine, entraîneur, chef d’entreprise… je ne savais pas que tu étais aussi… batteur !

Et oui, j’ai toujours joué de la batterie, et d’ailleurs tiens !, je viens d’en acheter une nouvelle récemment… une électro, ce qui permet grâce à mon casque de ne pas perturber le voisinage… c’est important vu que j’habite au cœur du village ! Déjà dans ma jeunesse à Fanjeaux je jouais avec des potes, et à l’école hôtelière je faisais partie d’un petit groupe de musique qu’on avait créé… La batterie, j’ai toujours aimé ça… c’est un peu une échappatoire pour moi !

Christophe et la batterie… une longue histoire d’amitié entre l’un et l’autre

 

Tiens, justement, de quel morceau de musique souhaites-tu voir accompagner ton portrait « Puissance 15 » ?

Fear Of The Dark… C’est un morceau qui m’a toujours suivi et qui me suit toujours. En l’écoutant, tu comprendras pourquoi j’aime la batterie !

 

ICONE-VIDEOFear Of The Dark

 

C’est Alex Sarribeyioglou qui depuis les « 3 Sautets » à Aix-en-Provence t’a adressé cette passe « Puissance 15 »…

Clin d’oeil à Alex!

Alex, c’est pour moi l’un des personnages essentiels de mon passage à l’AUC Rugby et à Aix-en-Provence. Rien que d’en parler, j’en ai les larmes aux yeux… Alex, c’est un gars d’une gentillesse extrême… Pour le résumer, c’est le gars le plus chiant au monde parce que tu vas lui dire tout, et lui il va aller dans l’autre sens… Et c’est aussi le gars le plus gentil du monde, tellement attachant, qu’on ne peut jamais lui dire non. Je le remercie pour cette passe venue d’Aix-en-Provence, et à travers lui, j’adresse un grand « salut » à tous mes potes de l’AUC.

 

Et toi, tu la fais à qui maintenant, cette passe ?

J’aimerais la faire conjointement à Clément Cassan et à Florian Thuries, les deux jeunes joueurs de Caraman qui assurent en binôme la présidence de la J.S. Caramanaise. Je leur tire mon chapeau d’avoir pris cette responsabilité pour continuer à faire vivre une bande de copains dans leur village. Il y a forcément une grande connivence entre ces deux-là, renforcée par le fait qu’ils jouent tous les deux en première ligne, l’un est pilier, l’autre talonneur… et je suis curieux de savoir ce qu’ils vont te raconter !

 

Merci pour tout ce que tu m’as confié Christophe… et je te souhaite le meilleur pour la suite d’« Entre XIII… et 15 » dès que ce p….. de Covid aura fini de nous empêcher de vivre.

 

ICONE-WEB Site d’Entre XIII et 15

 

ICONE-CREDITS

Interview : Frédéric Poulet

Photos : Photos de “Une” de Christophe et de “Entre XIII… et 15”: archives personnelles de Christophe / Photos de Christophe à l’AUC Rugby : Xavier Faugère / Blason Lanta – Wikipedia – TomKr – CC BY SA 3.0 / Blason de Fanjeaux – Wikipedia – Domaine public / Rame métro Lyon – Wikipedia – Mathieu Riegler – CC BY SA 3.0 / Plat de couscous : Pixabay. 

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