Vendredi - 19 Avril 2024

Pascal Jeanneau / Entraîneur des Cadets de l’US Nafarroa


Les Dieux du Rugby s’attachent à ce que la Planète Ovale soit peuplée de personnages attachants, et avec cet homme-là ils ont une nouvelle fois mis le paquet…

Si depuis son berceau bayonnais, Pascal Jeanneau apercevait déjà Saint-Léon (aujourd’hui Jean Dauger), Gabriel et Claude l’éduquèrent aux différentes facettes du rugby, calé entre rudesse, celle des forges boucalaises, et grâce, celle des artistes de l’époque, nommés Maso ou Boniface. Bien plus tard, c’est en Guyane, au bord du Maroni, que le Basque nourri au Pays d’Ovalie aura une révélation… Elle lui sera portée par de magnifiques gamins venant jusqu’à lui en pirogue au son du « taki-taki ». De retour au Pays après avoir sillonné le monde, cet éducateur dans l’âme, sur les terrains de rugby et ailleurs, vouera son temps aux équipes qu’il aura à guider, fussent-elles à pied ou en joëlette… Il aime par-dessus tout créer le lien, fondement de toute équipe, quelle qu’elle soit, alors ce n’est bien entendu pas un hasard si le vin qu’il produit avec ses potes vignerons s’appelle « Lokarria »… Merci Pascal !

 

Bonjour Pascal, un jour, il y a longtemps, tu as rencontré le rugby… Tu nous racontes ?

panneau bayonneJe suis né à Bayonne, avec vue sur le stade Saint Léon, aujourd’hui stade Jean Dauger, mais c’est surtout au Boucau, commune limitrophe de Bayonne, que j’ai découvert le rugby avec mon grand-père maternel, Gabriel, qui était supporter et abonné du Boucau Stade.

Le Boucau était la ville des forges, et le public de Piquessarry était composé d’ouvriers. panneau boucauLe rugby pratiqué était rude, poussé par un public nombreux… Il y a 50 ans, il y avait là-bas déjà plus de 1000 abonnés… Il était très compliqué de s’imposer au Boucau !

 

Jo Maso

Jo Maso…

En parallèle, et quasiment à l’opposé, mon père, Claude, ne voyait le rugby qu’à travers Jo Maso. Il pouvait suivre à la radio des matchs auxquels participait son joueur favori, et raconter la magie, la grâce ou la beauté de l’action du match, celle où était impliqué Jo… Mon père m’a donné le goût du beau ! A la maison, on parlait aussi souvent des « Boni »… Les frères Boniface… Je les ai vus jouer à Bayonne avec le Stade Montois… J’avais 5 ans et je m’en souviens ! A l’époque, les enfants jouaient au rugby sur le terrain après les matchs ou après l’école, les stades étaient ouverts…

 

Comme j’étais asthmatique et plutôt frêle je n’ai commencé le rugby qu’à l’âge de 16 ans, à l’A.S. Billère, dans la banlieue de Pau, où mes parents avaient déménagé. AS Billere rugbyEntraîné par Denis Candau et « Loloche », c’est là-bas que je jouerai mon premier match… Coup d’envoi… Je monte… Sûrement trop vite, ou pas là où il fallait… Bing ! Nez cassé, et première opération… Ca n’a pas traîné !
Et après ça, je n’ai plus jamais arrêté, même dans les lieux les plus improbables où j’ai vécu…

 

Alors ensuite, le rugby et toi, vous avez fait quoi ensemble ?

logo sco angersEn 1982, j’ai 20 ans, je pars à Angers comme instituteur, et je signe au SCO d’Angers, en Fédérale 3. Les déplacements étaient lointains, et les retours en bus une longue fête… Avec Gilles, Sylvain, Pierre, Raymond, Yves, et tous les autres, on en a bien profité, et on en a massacré, des chansons de Bobby Lapointe ou de Brassens ! Dans cette équipe il y a avait aussi Allan, un Gallois… drapeau pays de gallesJ’ai eu l’occasion d’aller jouer chez lui, au Pays de Galles, où il m’avait invité… J’ai expérimenté là-bas un rugby assez frontal… Mais comme ils jouaient beaucoup au pied et que j’étais arrière, je me suis régalé… Remarque… Eux aussi… Ca m’a coûté le nez (encore une fois !) et 3 côtes !

 

Fotolia_1188843_XS Pirogue fleuve Maroni Guyane

Le fleuve Maroni, en Guyane

En 1988, j’ai 26 ans et je pars poursuivre ma carrière d’instituteur en Guyane. Là-bas, à Apatou, au bord du fleuve Maroni, je monte une école de rugby avec l’aide d’un médecin du dispensaire. Les gamins, dont les familles ont fui le Surinam en pleine guerre civile à l’époque, vivent dans un dénuement total. Ils parlent un langage particulier, le « taki-taki »… Ils n’ont jamais vu un ballon ovale, ni même un match et viennent à nos rendez-vous en pirogue… Ce sera pour eux et pour moi une expérience incroyable, dans un contexte lui aussi incroyable.


Apatou, Guyane (973)


 

logo san isidro club argentine

Argentine…

Je profite d’être en Guyane pour voyager de par le monde au gré de mes envies et rebonds ovales… J’ai joué à Buenos Aires, au San Isidro Club, où a été licencié en son temps Ernesto Guevarra… J’adore le peuple argentin… Pour moi, les Argentins, ce sont des Français rieurs et optimistes, bons vivants, adeptes de la joie de vivre, quelles que soient les circonstances!

 

Tahitian Flag Button - Flag of Tahiti Badge 3D Illustration

Tahiti…

Plus tard, je resterai 6 mois à Tahiti… Je jouerai là-bas avec les « Tamarii Nahiti », adventistes pour la plupart… Ils faisaient la prière avant les matchs, et aussi après, avec quelques adversaires… Je n’ai jamais compris… Je crois qu’avant les matchs ils priaient pour les pêter en deux, et qu’après ils remerciaient le Seigneur d’être encore en vie… Pour ma part, dans son infinie bonté, le Seigneur ne m’a emporté qu’une apophyse et une épaule… Il a été généreux avec moi dans ce rugby hyper-physique!

 

Drapeau basque

Et puis… l’appel du Pays… Basque!

Après mon périple outremer, je ressens l’appel du pays, et je rejoins le Pays Basque en 1992. Professionnellement, je bascule du métier d’instituteur vers celui d’éducateur dans le monde du handicap. Je joue à Bardos, où avait signé Patrick Hauret-Clos, un copain du Boucau, et j’y passe de bons moments… J’arrivais très fatigué le lundi au boulot, moins à cause des matchs que des 3èmes mi-temps, au cours desquelles plus d’une fois j’ai porté Fifi Laffargue et ses 125 kilos sur mes frêles épaules… Il faisait la montgolfière, et moi, en-dessous, je faisais Nicolas Hulot ! A Bardos, nous jouerons une finale du logo us bardos 2Championnat de France, perdue contre Laroques d’Olmes (sauf que pour moi, ce sera avec des béquilles, depuis le bord du terrain… Le genou en vrille), après des phases finales épiques, au cours desquelles Fifi avait relevé une mêlée… Robert Colet, notre talonneur, lui, ne s’en est pas relevé… Fifi avait raté la cible !

 

Pixabay - numero 9Je jouais derrière, du 9 au 15… Mauvais nulle part… Bon nulle part… Du coup, je bascule définitivement vers l’entraînement, activité pour laquelle j’ai en réalité toujours eu une vocation. Dans ma vie, j’ai dû entraîner à peu près toutes les catégories, à des niveaux bien différents, dans des clubs aussi différents que Nafarroa ou Larressore, deux clubs de terroir avec une grosse identité, mais aussi l’ASB, l’autre club de nombre 15Bayonne, avec un mélange de joueurs issus de la rive droite de Bayonne ou d’horizons divers… L’ASB… Un club à part, mais un vrai club ! J’ai aussi entraîné Ustaritz pendant 4 années… Nous étions peu, un peu en survie tout le temps, mais j’ai noué là-bas des relations solides.

 

Si je te demande de me confier 3 ou 4 « morceaux choisis » de ton histoire ovale, des instants magnifiques qui sont bien gravés en toi… Tu me confies lesquels ?

Frères BonifaceEn tant qu’amoureux du rugby, je peux avouer que j’ai été touché par le coup d’envoi donné il y a quelques années par André Boniface, à l’occasion d’un match à Mont-de-Marsan où on rendait hommage à la mémoire de Guy, son frère. Il y avait avec lui, au centre du terrain, deux petits ramasseurs de balle, avec les maillots du Stade Montois (les n° 12 et 13 bien sûr !), et au lieu de balancer un coup de pompe, il a pris le ballon et a fait des passes avec les deux gamins… Pour moi c’est exactement ça le rugby… La passe, le lien, la transmission, le partage… Les frères Boniface nous ont montré la voie. J’espère un jour voir un joueur refuser le talent d’or qui est remis à la fin des matchs de rugby, je trouve ça tellement peu rugby…

 

freinage voitureEn tant que joueur, j’évoquerai un « moment fort » que j’ai vécu en Nouvelle-Zélande où j’ai passé 7 mois, en 1991, lors de mon périple interplanétaire. En arrivant là-bas, j’avais le contact d’un gars qui entrainait un club, et on s’est donné rendez-vous un samedi à 11 heures à Auckland, de l’autre côté du Pont de la baie. J’arrive en bus, un peu en avance, et là… Personne ! Et en guise de stade, un champ, certes très vert, avec juste des poteaux. Tout à coup, je vois une cinquantaine de voitures débarquer en trombe, et là… Magie… Je me retrouve dans un « vrai » stade… Pas l’Eden Park, mais quand même ! Et me voilà en train de jouer, sans aucun protocole, avec des gars super bons, et d’autres un peu moins ! Le match se passe, puis ils sortent les glacières… Et pendant une heure c’est open bar… Tout le monde est très attentionné avec le petit frenchy que je suis… J’entends cent fois « Ah ! Blanco ! »… « Ah ! Lagisquet ! »… « Vive le France ! »… Et puis tout d’un coup… Hop !… Ils remontent dans leurs bagnoles et partent comme ils étaient arrivés… Et là, all blacksabasourdi, je me retrouve à nouveau seul devant cette pelouse vide, une bière dans chaque main… Fin du film… Non je n’ai pas rêvé ! A cet instant, je me dis que les Néo-Zélandais ont quand même un sacré côté Anglais !

 

logo irun rugbyEn tant qu’entraîneur je garderai toute ma vie le souvenir de mon premier entraînement à Irun, de l’autre côté du pays Basque, où j’étais allé filer un coup de main à la demande d’un joueur, Pierres Guichard, que j’avais entraîné à Larressore. Je me retrouve face à une vingtaine de gars, je tente de leur expliquer le jeu en parlant un peu en français, un peu en logo ambulance hopital pixabayespagnol, un peu en basque… Pour mieux me faire comprendre, je commence à courir avec le ballon, histoire d’impulser une dynamique… Sauf qu’entre temps, un joueur arrivé de je ne sais où, me voyant en action, m’emplâtre sans hésitation aucune… Rideau… Fin prématurée de l’entraînement pour moi !

 

logo us naffaroaSinon, plus sérieusement, les 2 dernières saisons (2012/2013 et 2013/2014) que j’ai passées avec l’US Nafarroa ont été belles à vivre, les entraînements étaient de qualité, car l’engagement des joueurs était sans faille. J’ai aimé ces joueurs et ce club passionnément. J’entraînais avec Jean-Marc Higos, Olivier Amestoy et Xabi Etcheverry, qui est aujourd’hui président. On s’entendait bien, on faisait plein de paris sur des matchs (le Pays Basque est un pays de parieurs !)… Des paris que mes compères perdaient tout le temps… Et comme on jouait des repas, c’était la cantine gratuite assurée pour moi ! Pour le tout dernier match de la saison 2013/2014, on joue à Morlaas, avec la qualification en jeu. On sait que ça va être dur, et je sais aussi que c’est la fin pour moi avec l’US Nafarroa. Juliette, ma fille, est là pour assister au match, et avant la rencontre, je dis aux joueurs que j’aimerais juste qu’elle comprenne pourquoi je les aime tant… On perd, mais avec le bonus défensif, ce qui nous permet de nous qualifier quand même… Bien sûr, nous sommes tous hyper heureux, et les gars se demandent ce que ma fille doit penser en nous voyant nous sauter dans les bras alors qu’on a perdu le match ! Quitter cette équipe et ne plus la voir jouer a été une déchirure et une souffrance pour moi, mais c’était mon choix.

pascal entraineur seniors nafarroa V2

2013 : Entraînement de l’US Nafarroa… Mizel Mateo et Laurent Gastambide rigolent… Pascal (au centre) un peu moins !

 

Tu es un grand serviteur de l’US Nafarroa, club que Pierre Carricart a déjà eu l’occasion de nous présenter lors de son « Portrait Puissance 15 »… Cette année, tu entraînes les Cadets, que peux-tu nous dire de ces gamins ?

Nafarroa terre de rugby

Nafarroa… Terre de Rugby !

Quand Xabi Etcheverry est devenu président il y a 2 ans, il m’a demandé si je voulais bien continuer à m’investir auprès des jeunes du club. Xabi est un ami, c’est quelqu’un qui respecte les autres et qui a les idées claires… Alors je n’ai pas hésité longtemps, et je me suis rapproché des cadets. J’ai intégré un groupe d’entraîneurs déjà en place… Michel Bascans, Alain Etcheverry, Sean Spring, Jérôme Riano et Pantxo Oxoby, et je m’y suis fait une place.

Avec un effectif de 47 gamins, on a décidé de présenter 2 équipes, et notre président a été clair : l’objectif est de garder tout le monde, de ne pas faire de forfait, et, bien sûr, d’essayer de faire progresser tous les joueurs… Je trouve la démarche excellente, même si on sait que ce sera difficile, car si nous avons de très bons joueurs, nous avons aussi une bonne dizaine de débutants, et des niveaux physiques et de pratique très différents… Alors on leur apprend que le résultat des matchs n’est pas une finalité, mais une conséquence, qu’il faut donc travailler, et créer du lien pour devenir une équipe qui se donne les moyens de bien jouer, de s’amuser… On n’oublie jamais qu’on travaille pour l’avenir !

cadets B Nafarroa

Pascal (1er debout à droite) en compagnie des Cadets B de l’US Nafarroa

Pour t’expliquer ce que je vis avec ces Cadets de Nafarroa, je dois faire un retour sur mon passage en Guyane…

Là-bas,  il y a bien longtemps, j’ai eu une révélation : je m’occupais de gamins qui n’avaient jamais vu un ballon, ni même un match de rugby, alors j’ai mis en place pour eux les situations de jeu les plus simples… Très vite, ils ont compris l’intérêt d’avancer, de se faire des passes, de soutenir, de plaquer, de contourner ou de pénétrer une défense. Alors que tu peux penser que faute de technique, il est difficile de jouer, tu te rends vite compte que plus que la technique, c’est le geste juste par rapport à une situation donnée qui compte. Et en plus du geste juste, qu’ils ont vite trouvé, ils ont aussi « naturellement » trouvé le placement juste, tout simplement parce qu’ils ne pouvaient pas se faire des passes de 15 mètres. Alors peu à peu, ils se sont créé un vécu de jeu, ils ont structuré leur jeu, ils se le sont approprié ! Résultat… Techniquement, ils ont vite progressé, chaque situation donnant du sens à drapeau guyaneun nouvel apprentissage. Je retrouve d’ailleurs cette intelligence de jeu quand je regarde des matchs de rugby féminin… C’est clair et évident pour moi aujourd’hui… Ces gamins de Guyane m’ont appris ce qu’est l’essence même du jeu de rugby !

 

logo nafarroa jauneAlors c’est un peu vers cela que nous voulons tendre avec nos gamins, surtout avec les néophytes. Avec ceux qui ont déjà du vécu de jeu, nous allons être plus dans le détail, dans l’acquisition de compétences plus spécifiques. J’ai beaucoup de mal quand j’entends dire que les joueurs français sont faibles techniquement… Au contraire je crois que nous n’avons jamais eu de joueurs avec de telles qualités techniques… Sauf qu’elles sont apprises hors situation et n’ont donc souvent pas de sens. C’est frappant quand on va voir des matchs de catégorie Espoirs… Ils savent tous faire des passes vrillées de 15 mètres des deux côtés … Par contre, jouer un 2 contre 1… ! J’ai récemment passé une journée avec Pierre Chadebech, ancien grand centre qui est parti en Nouvelle-Zélande se ressourcer et découvrir les méthodes d’entraînement, il me racontait que les Néo-Zélandais privilégient le jeu libre au départ, ils se construisent un vécu de jeu qui donnera du sens à toutes les qualités techniques, qu’ils vont ensuite travailler et retravailler… Là aussi, chacun peut penser ce qu’il veut, mais Pierre Villepreux ne disait pas autre chose… Laissons nos enfants d’aujourd’hui jouer comme les jeunes de ma génération le faisaient après les matchs, à la récréation ou après l’école, sans bouclier !

pascal guyane V1

1988 : Pascal est à l’oeuvre en Guyane

 

Quelle est ton activité professionnelle ?

pascal dubois et yori à Aguilera

Youri (à droite) et le regretté Pascal Dubois, à Aguilera

Comme je te l’ai dit plus haut, je suis instituteur de métier, mais je travaille désormais dans le milieu du handicap depuis de nombreuses années… Tous types de handicap, que ce soit dans des écoles ou dans des centres spécialisés. Youri, qui aujourd’hui a 25 ans et que j’ai connu dans un centre spécialisé quand il en avait 14, est devenu mon ami, un vrai pote. C’est un supporter du BO (alors que moi, en tant que Bayonnais…), et le rugby est un lien très fort entre nous. A l’époque, c’est par l’intermédiaire du regretté Pascal Dubois, ancien joueur d’Agen et du BO, qui après un accident était devenu tétraplégique et était mon ami, que j’ai connu Youri. Tous ensemble, on s’est battu pour avoir des places PMR (places pour personnes à mobilité réduite) à Aguilera… Nous avons monté une association, « Handi BO », et nous avons obtenu des logo hand-boemplacements décents et obligatoires au regard de la loi. Notre président, Pierre-Alain, est Suisse, Youri est vice-président, et Eric, Doumé et Sisco s’occupent eux plus des joëlettes.

Il y a 11 ans, nous avons participé avec Pascal Dubois, en joëlette, à la « Foulée des festayres », course qui relie Biarritz à Bayonne, et qui ouvre les Fêtes de Bayonne… La photo parle toute seule ! Depuis nous participons tous les ans à cette course, mieux même… nous organisons la course pour les joëlettes, et cette année, il y en avait 38 !

L’équipe qui nous semble le plus dans l’esprit de la fête, du partage, reçoit le bouclier Pascal Dubois en sa mémoire… Encore et toujours l’équipe !

pascal dubois foulée des festayres

2006 : Pascal Dubois et son équipe de festayres, tous unis par la joëlette… Chapeau !

 

Tu es né et tu vis dans les Pyrénées Atlantiques… Qu’est-ce que tu apprécies le plus dans ce « Département 64 » ?

Iparla www-fotolibre-org

Les crêtes d’Iparla…

Je suis né ici, j’ai grandi ici, et je dois bien reconnaître que nous avons une qualité de vie exceptionnelle, avec une vie associative et culturelle assez intense, et des traditions bien ancrées. J’adore me balader en montagne, entre Itxassou et Baïgorri, sur les crêtes d’Iparla, autour du Mondarrain ou en haut d’Irubela… Ces endroits sont peuplés de vautours et j’aime beaucoup les voir voler. J’ai aussi pu découvrir la Soule, à 1h et demie de chez moi, où j’ai passé quelques mois à l’occasion d’un remplacement professionnel… C’est une des provinces du Pays Basque, du côté de Mauléon, à la limite du Béarn… Elle mérite le détour, en particulier par sa richesse culturelle.

Et puis, bien sûr, j’adore Bayonne (mon berceau !), autour du marché… J’aime y aller avec des copains ou, plus simplement, avec Edith, mon épouse. Cet endroit-là a une saveur toute particulière pour moi… C’est un haut lieu de convivialité de la Cité Bayonnaise, et il me rappelle le temps où, gamin, pendant les vacances, j’y accompagnais mon grand-père, qui après avoir quitté les forges du Boucau, allait vendre là-bas ses légumes avec sa 4 L. Et comme tous les festayres d’ici (ndlr : et d’ailleurs !), je suis un adepte des fêtes de Pampelune et de Bayonne.

Halles Bayonne - Wikimedia-Daniel Villaruela-CC BY SA 4.0

Les Halles, cœur de la convivialité Bayonnaise…

Enfin, je suis heureux de la tournure que prennent les choses ici, au Pays-Basque… La langue, qui était en perdition, est peut-être en train d’être sauvée, et le processus de paix qui a été entamé nous laisse plein d’espoir.

 

La photo qui vient, je sais qu’elle t’est particulièrement chère… Alors dis-nous ce qu’elle raconte…


Itxassou, Pyrénées Atlantiques (64)


Vignerons

Pascal (à gauche), avec Xupete, Pierre-Alain, Alain, Serge et Robert… Pendant les vendanges (plutôt à la fin !)… La vigne, lien d’amitié !

 

pascal bouteille lokarria

Le Lokarria… avec modération

Ah ! Sur cette photo, je suis avec mes amis vignerons ! Depuis 4 ans, nous avons repris une vigne qui allait être arrachée, chez moi, à Itxassou (village situé entre Bayonne et Sain-Jean-Pied-de-Port). Et depuis, nous essayons de faire du vin, du bon vin… En tout cas, nous on le trouve très bon ! Il y a là Serge et Alain, 2 frères qui ont en commun une riche vie de rugbymen, il y a Pierre-Alain, notre ami Suisse… Un vrai Suisse ! Il y a aussi Robert et Xupete, on les appelle Laurel et Hardy avec beaucoup d’affection… Ce qui est dommage c’est que comme ils jouaient au jeu à 13, ils ne comprennent rien quand on parle de rugby ! Il y a enfin Jean-Philippe, le fils d’Etienne… Etienne, qui a planté cette vigne il y a bien longtemps ! Et puis, jamais loin de nous, il y a aussi Olivier… On est une vraie petite équipe, qui prend un réel plaisir à produire le « Lokarria » (en basque, cela signifie « le lien »)… C’est le vin de l’amitié !

 

Pascal, une dernière question sur le rugby… C’est quoi la chose la plus importante qu’il t’a fait découvrir, ce sport ?

pascal ballonCa, c’est la question la plus facile pour moi ! Grâce au rugby, j’ai pu rencontrer quantité de gens différents, j’ai pu mieux connaître les autres, et donc, mieux me connaître… Il y a quantité de personnages que j’ai croisés en Ovalie, j’en revois certains parfois, toujours avec grand plaisir… Je sais que je peux compter sur eux, et ils savent que l’inverse est vrai. Ils sont nombreux, alors je ne vais pas les citer tous de peur d’en oublier…

Mais je te parlerai quand même de Johan et de Xabi Harlouchet, 2 joueurs que j’ai connus à Nafarroa, 2 frères, des jeunes paysans qui à l’aube de la vingtaine ont dû grandir très vite pour prendre du jour au lendemain la relève de leur papa… Ils font du fromage dans leur petite ferme, à Ahaxe, avec une obsession : la qualité. J’ai souvent dormi chez eux quand je travaillais là-bas… J’ai bien essayé de les aider à la traite… Mais leurs vaches ne m’aimaient pas ! Des garçons courageux, simples, qui parfois Fotolia_6028832_XS pictogramme vachepouvaient arriver sans savoir contre qui on jouait… Alors je ne te parle même pas des séances vidéo ! Johan et Xabi, je ne sais pas si ce sont des sauvages très évolués, ou des génies un peu sauvages… Ils sont sûrement un peu des deux, et moi je suis toujours content de les voir.

pascal à l'entrainement

Le rugby… Terre de belles rencontres pour Pascal

Il y a aussi Laurent Gastambide, troisième ligne à Nafarroa, un surdoué du rugby qui ne m’a jamais déçu, sauf peut-être la fois où, alors qu’il faisait ses études à Bordeaux, il y a eu une histoire de lama baladé dans un tram par des étudiants… J’étais sûr qu’il était dans le coup… Eh bien non! Là, oui, je dois bien l’avouer, il m’a déçu ! Et bien sûr, comme dans chaque club de rugby, j’ai côtoyé avec bonheur des incontournables qui auront donné beaucoup à un seul et même club… Par exemple Xabi Urrutia et Joël Doussin à Ustaritz, Gilles Trouday et Stéphane Sabarrots à l’ASB, Xalbat Irosbehere et Nicolas Trolliet à Larressore, ou encore Benat Seychal à Nafarroa. Benat vient d’arrêter de jouer, et il s’occupe des Minimes… Il est au bureau du club, va s’occuper des Socios et était, quand il jouait, le fédérateur, avec un regard bienveillant sur les autres. Ce genre de garçon est garant de l’état d’esprit du club, j’aime son regard souriant, décontracté et parfois tourmenté, son attitude, en toutes circonstances…

Michel Serres

Clin d’œil à Michel Serres…

Une belle rencontre fut aussi celle de Michel Serres, avec qui j’ai entraîné à Ustaritz. Michel venait de Baïgorri, ou il a entrainé le club pendant des années, depuis les Séries inférieures jusqu’au Groupe B… C’est quand même un truc incroyable ! Un gars qui est toujours allé au bout de ses convictions, ce qui est beaucoup plus facile à dire qu’à faire.

 

jean-miche gonzalez

… Et à Jean-Michel Gonzalez

J’ai aussi entraîné avec Jean-Michel Gonzalez à l’AS Bayonne, là aussi une sacrée rencontre… Celle d’un pédagogue qui s’ignorait mais qui a fait ses preuves, un mec droit sur qui tu peux compter. J’ai choisi une photo de lui cet été au balcon de la Mairie de Bayonne, car l’équipe des filles de l’ASB, dont il est le coach, a été Championne de France. Il a le sourire, et ça me donne des frissons, car alors qu’il préparait la Coupe du Monde féminine quelques mois auparavant, il a été remplacé… J’ai trouvé la démarche minable et pas franche, pas à la hauteur de l’homme et, le connaissant, il a dû en être affecté, alors son sourire ici me touche beaucoup…

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Iphar… Père et fils… Champions Balandrade!

Et puis il y a aussi Jean-Claude Iphar, l’oncle de Pierre Carricart… C’est lui qui m’a fait venir à Nafarroa et on a entraîné l’équipe ensemble une saison. Il connaît le rugby par cœur, et les joueurs du club mieux que personne. Il a préféré ensuite retourner avec les jeunes, avec qui il a été Champion de France Balandrade, mais il nous a laissé ses 2 fils, Mickael et Iban joueurs de l’équipe fanion… 2 bijoux! Quand j’ai quitté le club pendant trois ans, c’est sa présence qui m’a le plus manqué.

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Jean-Marc Higos

J’ai aussi déjà évoqué Jean-Marc Higos, avec qui je me suis vraiment super bien entendu quand on était aux manettes de l’US Nafarroa… J’ai aimé sa franchise et son regard sur la vie, un philosophe qui s’ignore… Olivier Amestoy et Xabi Etcheverry complétaient le staff d’entraîneurs, parfois je me disais que c’était eux qui auraient mérité d’entrainer l’équipe première, et je le crois vraiment.

Pascal Idieder

Pascal Idieder

Enfin, il y a deux ans, je suis retourné à Larressore pour entraîner avec Pascal Idieder, ancien pilier Bayonnais parti à Auch puis à Brive… Là encore, une sacrée rencontre… Ce fut une année longue, difficile et éprouvante, nous avons souffert avant de nous qualifier. J’étais fatigué et en difficulté, et Pascal a tout géré, l’équipe, les entraînements, mes états d’âme…

 

Ces rencontres, et quelques autres, ont été pour moi la clé de tout, et celle de mon attachement à ce sport… Au-delà de leurs compétences, ce sont tous des mecs droits, honnêtes, que tu peux regarder dans les yeux… Des personnes dont j’avais besoin pour m’épanouir moi-même.

 

C’est Pierre Carricart qui t’a fait la passe « Puissance 15 »… A qui transmets-tu le ballon à ton tour ?

Pierre Senior contre montrejeau

Pierre Carricart, une belle passe « Puissance 15 » à… Pascal !

Tout d’abord merci à Pierre pour sa gentille dédicace… Il a raison, je suis amoureux du rugby, et dans mon esprit, ça veut dire avant tout aimer les joueurs que j’entraîne, tous avec leurs différences, leurs qualités et, ce qui va avec, leurs défauts. Pierre est assurément quelqu’un qui ne laisse pas indifférent, et le fait qu’Etienne Serna lui ait fait la passe « Puissance 15 » en est la preuve. Pierre sait qu’il peut me demander n’importe quoi, et lui qui aime chanter des chansons improbables (que lui seul connaît!), qu’il se méfie, car il se pourrait bien que je le sollicite pour un truc…spécial ! … Eh non ce n’est pas pour chanter Dalida… !!! (ndlr : comprenne qui pourra !).

pascal et les frères mourguiart

Pascal (à gauche) avec les Frères Mourguiart sur le GR10

Maintenant, pour faire vivre le ballon « Puissance 15 », je vais le passer, non pas à une, mais à 2 personnes, 2 frères, Serge et Alain Mourguiart, 2 anciens grands joueurs du B.O. (de la génération de Serge Blanco) et du PUC. Ces 2 là, ce sont plus que des amis… Nous faisons le vin ensemble, et nous avons traversé les Pyrénées en suivant le GR10. Ces 2 frangins, très différents et très liés, entre autres par le rugby, ont partagé sur le terrain des moments que j’aurais tellement aimé vivre… Je serais heureux qu’ils nous en racontent quelques extraits. Dans ma vie, ils ont été très importants, ils m’ont soutenu dans certains choix, et surtout m’ont aidé à prendre confiance en moi… Seul bémol, j’ai du mal à les gérer à l’apéro… Ils perdent vite le sens du jeu, mais je les aime !

 

Je te propose de terminer ton Portrait Puissance 15 en chanson… Tu nous fais écouter quoi ?

Je vais sans doute paraître très classique mais c’est la chanson « Hegoak » que je voudrais qu’on partage… Tout le monde la connaît ici, c’est l’une des chansons les plus populaires au Pays Basque, mais aussi dans le milieu rugbystique.


ICONE-VIDEOAnne Etchegoyen, Le Choeur Aizkoa – Hegoak (les ailes)


Wikipedia - Mikel Laboa

Mikel Laboa

Mais c’est surtout pour le message qu’elle véhicule que je l’ai choisie, cette chanson… Elle a été composée par Mikel Laboa, à partir d’un poème de Joxean Artze qu’il avait écrit pour dénoncer l’interdiction faite aux basques, par le régime franquiste, de parler leur langue. Ce poème raconte que, si j’avais coupé les ailes de mon oiseau, il ne serait pas parti, il serait toujours à moi, mais ce ne serait plus un oiseau, et moi c’est l’oiseau que j’aimais

Esprit d'équipe

Le rugby… Former une équipe et rester soi-même !

Personnellement, c’est bien ainsi que je vois les choses dans les relations humaines, que ce soit pour l’éducation des enfants ou des adolescents, ou, puisque c’est le sujet qui nous réunit ici, dans la façon de manager une équipe de rugby… Comment fédérer des joueurs pour les conduire à former une équipe qui a des repères, des règles, des habitudes, des codes qui la font progresser tout en lui laissant la possibilité de se construire de l’intérieur, d’être une équipe qui « vit », qui gagne, mais qui perd aussi, avec la possibilité pour chacun d’être et de rester ce qu’il est… C’est passionnant, et tellement compliqué… Normal, on est dans l’humain à l’état pur ! Il n’y a pas de vérité, et tant pis si parfois l’oiseau se casse la gueule… Il reste un oiseau, c’est le plus important.

Ce sentiment là, dans mes expériences d’entraîneur, je l’ai connu à plusieurs reprises… On évoquait Pierre Carricart tout à l’heure… Pierre, pour moi, c’est l’exemple parfait… Un très bon joueur, un bon mec avec un gros charisme, qui en fait un leader. J’ai ressenti les mêmes choses avec David Perez, qui était devenu au fil des ans un capitaine respecté et plus que respectable, vraiment de l’or en barre ! Ou encore avec Stéphane Gueçamburu, l’ouvreur de Nafarroa, un super joueur, d’une grande générosité.

Sur un plan plus personnel, je sais que ma fille prendra elle aussi un jour son envol… Alors si j’y suis un peu pour quelque chose, j’en serai le plus heureux des papas !

Et puis tiens, si j’avais eu droit à une autre chanson, j’aurais choisi « Chanson pour l’Auvergnat », de Brassens, parce qu’en ces temps troublés, la peur et le rejet de l’autre sont de bien mauvaises choses !

 

Pascal, je ne peux bien sûr rien te refuser… Alors sans façon voici pour toi « L’Auvergnat »…


ICONE-VIDEOGeorges Brassens – Chanson pour l’Auvergnat


 

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Interview : Frédéric Poulet

 

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